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4 conseils pour limiter la démission silencieuse des salariés

Popularisé sur TikTok, le terme « quiet quitting » a dépassé la simple tendance virale pour devenir un sujet de préoccupation majeure en France, en Europe et aux États-Unis. Mais cette « démission silencieuse » est-elle vraiment une nouveauté ? Pas tout à fait. Des formes de désengagement ont toujours existé : le « service minimum », l’apathie professionnelle, la « démotivation » ou encore le présentéisme passif. Ce qui change aujourd’hui, c’est l’ampleur du phénomène et son acceptation croissante. Selon une étude Ifop 2023, seuls 21 % des Français·es estiment aujourd’hui que le travail est « très important » dans leur vie, contre 60 % en 1990.

Quiet Quitting : un phénomène vraiment nouveau ?

Le « quiet quitting », ou démission silencieuse, est souvent mal compris. Contrairement à ce que son nom suggère, il ne s’agit pas d’un départ effectif, mais d’un désengagement progressif. Les salariés concernés n’abandonnent pas leur emploi, mais cessent d’aller au-delà des tâches définies dans leur contrat de travail. Concrètement, cela signifie notamment :

  • le respect strict des horaires de travail, sans rester plus tard ;
  • le refus des tâches supplémentaires qui ne relèvent pas du périmètre défini ;
  • la fin des e-mails et des réunions en dehors des heures de bureau ;
  • une implication minimale dans la vie de l’entreprise.

Ce phénomène n’est pas un simple effet de mode ou une tendance passagère. Il reflète une évolution du rapport au travail et de l’engagement professionnel. La quête de sens, l’équilibre vie professionnelle – vie privée, la santé mentale et la recherche de reconnaissance deviennent des priorités pour de nombreux collaborateurs.

Une démission silencieuse mondialisée et amplifiée par les réseaux sociaux

L’expression « quiet quitting » a explosé sur TikTok en 2022, avec des vidéos cumulant des centaines de millions de vues. Pourtant, cette forme de retrait existait déjà sous d’autres noms, ou formes similaires, dans le monde :

  • France : droit à la déconnexion, grève du zèle
  • Allemagne : Dienst nach Vorschrift
  • Chine : le mouvement Tang Ping (« rester allongé »)

Important à noter :

– 43 % des salariés français déclarent s’investir « juste ce qu’il faut » au travail (+6 points en 20 ans).

– 37 % des Français s’identifient comme Quiet Quitters.

Démotivation et démission : un phénomène générationnel ?

Le « quiet quitting » est souvent associé aux jeunes générations, notamment les 18-34 ans, qui remettent profondément en question les modèles traditionnels du monde du travail. Contrairement à l’idée reçue d’un manque d’investissement et de fainéantise, ce désengagement partiel traduit une évolution des aspirations :

  • moins de sacrifice pour l’entreprise
  • plus d’équilibre
  • besoin accru de sens et de reconnaissance

Les générations précédentes valorisaient – ou plutôt étaient éduquées à valoriser – la stabilité professionnelle, la progression hiérarchique et l’implication sans compter les heures. Les jeunes actifs accordent moins d’importance à leur entreprise, mais davantage à la qualité de vie au travail et aux valeurs de leur employeur. Voici quelques chiffres révélateurs :

  • 74 % des Français·es perçoivent les jeunes générations comme moins investies que leurs aîné·es.
  • 37 % des 18-24 ans déclarent que l’ennui et le manque d’intérêt pour leur travail sont une source d’angoisse.
  • 23 % des 18-24 ans ont déjà démissionné à cause de l’obligation du 100 % présentiel.

Et s’il fallait un argument supplémentaire pour déconstruire les idées reçues, le « quiet quitting » touche toutes les tranches d’âge. S’il est davantage médiatisé chez les jeunes générations, la génération X (1965-1980) exprime des besoins similaires. Cette tranche d’âge privilégie également l’équilibre de vie, la flexibilité et le sens donné au travail.

Les causes du Quiet Quitting au travail

causes quiet quitting travail

Le phénomène de démission silencieuse est un symptôme de dysfonctionnements plus larges dans le monde du travail, pas un problème en soi. Il est le résultat d’un changement profond dans la perception du travail. Il reflète une saturation du modèle (hyper)productiviste / machiniste hérité du 19e siècle et une remise en question du rapport de force entre employeur·es et salarié·es.

Face à l’intensification du travail, à la « pression du toujours plus » et à la stagnation des salaires, de nombreux collaborateurs choisissent de reprendre le contrôle de leur temps et de leur énergie, allant parfois jusqu’à limiter leur implication au strict nécessaire.

Il est vrai que les entreprises ont longtemps capitalisé sur l’implication invisible des employés :

  • des réunions inutiles
  • des heures supplémentaires non comptabilisées
  • une hyperdisponibilité qui déborde sur la vie personnelle

Le « quiet quitting » marque la fin de cette exploitation tacite. Plutôt que de le combattre, il faut en comprendre les causes et agir sur les inégalités structurelles qui le nourrissent.

1. Un changement de perception du travail

Tandis que les générations précédentes considéraient l’investissement professionnel comme un levier d’accomplissement personnel et de réussite sociale, les salariés d’aujourd’hui adoptent une posture plus pragmatique.

En France, seuls 21 % des actifs estiment aujourd’hui que le travail est un élément central de leur vie, contre 60 % en 1990. Cette évolution s’explique par plusieurs tendances de fond, notamment :

  • la remise en question du modèle de travail à outrance
  • la recherche d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée
  • la prise de conscience des risques liés à l’épuisement mental et au burn-out

La crise sanitaire a, par ailleurs, accéléré cette transformation. Le télétravail a démontré qu’il était possible d’être productif tout en organisant son temps de manière plus flexible. De nombreux salariés ont pris du recul sur leur engagement et refusent désormais de revenir à un modèle reposant sur le présentéisme et la sursollicitation.

2. Un manque de reconnaissance et de perspectives d’évolution

Le désengagement des employés découle souvent d’un sentiment d’injustice. Lorsqu’un·e salarié·e s’investit pleinement sans obtenir de reconnaissance en retour, l’effet est contre-productif : sa motivation s’effrite et son implication diminue. Un collaborateur qui donne de son temps et de son énergie sans voir d’évolution salariale, de montée en compétences ou de reconnaissance managériale peut rapidement basculer dans une logique de retrait.

Selon une étude menée en 2023, 48 % des salariés se sentent « perdants » en regard de leur investissement au travail. Ils ont le sentiment de donner plus que ce qu’ils reçoivent en retour. Cette frustration s’accroît face :

  • aux salaires stagnants
  • aux promotions différées
  • au manque de transparence sur les évolutions de carrière

L’absence de perspectives d’évolution est également un facteur clé. Une enquête du BCG en 2022 montre que 48 % des salariés français envisagent de quitter leur emploi en raison du manque de développement professionnel. Lorsqu’une entreprise ne propose pas de trajectoire claire, les collaborateurs n’ont aucun intérêt à fournir un effort supplémentaire.

👉 À lire également dans le même thème : « Bore Out » : Quand l’ennui au travail impacte la croissance de votre société

  3. Un management inadapté et un environnement de travail rigide

Le rôle du management est central dans le développement du « quiet quitting ». Un leadership autoritaire, des objectifs flous ou des exigences excessives contribuent à la démotivation des équipes. L’idée selon laquelle le simple fait d’avoir un emploi garantit la loyauté des salariés est aujourd’hui remise en question. Désormais, de plus en plus de collaborateurs attendent un management bienveillant, transparent et adapté aux nouvelles attentes du monde professionnel.

Le détachement des employés est renforcé par :

  • un manque de communication interne
  • une pression constante sur les résultats
  • l’absence de reconnaissance des efforts individuels
  • le  présentéisme considéré comme preuve d’engagement
  • des pratiques managériales et RH toxiques (supérieurs incompétents, sexisme au travail…)

4. Un désalignement entre les valeurs des salariés et celles de l’entreprise

Les entreprises perçues comme exclusivement orientées vers la rentabilité, sans considération pour les enjeux sociaux ou environnementaux, peinent à fidéliser leurs talents. Les jeunes générations en particulier recherchent du sens dans leur travail et ne veulent plus s’investir aveuglément dans des missions qui ne correspondent pas à leurs aspirations profondes.

Les organisations qui ne tiennent pas compte de cette évolution risquent de voir leurs salariés se replier sur eux-mêmes, se limitant au strict minimum et refusant toute initiative au-delà de leur périmètre.

Comment repérer le Quiet Quitting en entreprise ?

repérer quiet quitting travail

Le « quiet quitting » ne s’annonce pas avec une lettre de démission. Il s’installe progressivement, souvent sans bruit, jusqu’à ce qu’il devienne une norme invisible dans l’entreprise. Les Quitters ne cessent pas immédiatement d’être impliqué·es, mais leur retrait se fait par étapes, à mesure qu’ils perdent confiance dans l’intérêt de leur travail ou dans la reconnaissance qu’ils en retirent. Certains signaux doivent alerter.

1. Moins d’initiatives au travail, une attitude plus passive

Un salarié autrefois engagé, qui proposait des idées ou participait activement aux réunions, devient plus discret. Il exécute ses missions, mais ne cherche plus à aller au-delà. Il refuse les tâches annexes, évite les responsabilités supplémentaires et ne se porte plus volontaire pour des projets transversaux.

2. Respect strict des horaires et des limites contractuelles

Un salarié qui ne fait plus une minute de plus et applique son contrat de travail au pied de la lettre n’est pas forcément démotivé, mais cela peut être un signal d’alerte. Il refuse désormais les réunions tardives non justifiées, ne répond plus aux e-mails hors des heures de bureau et décline toute sollicitation en dehors de ses horaires contractuels. Là où il faisait preuve de flexibilité auparavant, il applique désormais les règles à la lettre.

3. Baisse de motivation et désengagement progressif

Le ton et l’attitude générale d’un salarié sont souvent révélateurs. Un collaborateur en retrait semble moins enthousiaste lorsqu’il parle de son travail. Il participe moins aux discussions collectives, apporte peu de contributions aux échanges et peut montrer des signes de frustration face aux demandes de l’entreprise. Cette baisse d’engagement peut aussi se traduire par une diminution de la qualité du travail fourni.

4. Fatigue et lassitude visibles

L’épuisement professionnel ne se manifeste pas seulement par un burn-out. Un·e Quitter peut sembler fatigué·e, démoralisé·e, voire désabusé·e. Il fait le minimum, sans conviction, et laisse entendre qu’il attend simplement que la journée passe. Ce détachement émotionnel est un signal fort, souvent sous-estimé.

5. Isolement et retrait du collectif

Le désengagement affecte non seulement le travail, mais aussi la cohésion d’équipe. Le Quitter évite les moments informels, refuse les pauses café collectives, ne participe plus aux afterworks et ne s’implique pas dans les événements internes. Il ne prend plus le temps d’échanger avec ses collègues, même sur des sujets légers.

Comment éviter le Quiet Quitting et remobiliser ses équipes ?

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1. Repenser le management : de l’autorité à la collaboration

L’idée dominante héritée du 19e siècle voulait que le travail structure la vie sociale et que l’engagement professionnel soit une vertu en soi. Aujourd’hui, ce modèle est largement remis en cause. Il n’y a pas de refus du travail, mais refus de se sacrifier pour un emploi qui maltraite.

L’un des premiers leviers pour éviter le désengagement est d’adopter un style de management plus humain et participatif. Les salariés ne veulent plus d’un modèle descendant où les décisions leur sont imposées sans explication. Ils attendent de la transparence, de la reconnaissance et une prise en compte (sincère) de leurs besoins.

Dans la pratique, cela peut se traduire par :

  • passer du contrôle et de la surveillance à l’accompagnement des équipes ;
  • valoriser l’investissement personnel et la créativité au-delà des résultats ;
  • encourager la prise d’initiative et laisser une marge de manœuvre ;
  • faire preuve de reconnaissance (déjà avec un simple « merci ») ;
  • limiter les réunions inutiles et chronophages ;
  • développer la communication interne.

2. Donner du sens et revaloriser le travail

Le désengagement ne résulte pas de la paresse, mais d’un constat : les efforts fournis ne sont pas toujours récompensés. D’autre part, il y a l’impression d’un pouvoir d’achat menacé sous l’effet de l’inflation, alors que les dirigeant·es de groupes voient leurs profits augmenter. Ce qui alimente la défiance des employés vis-à-vis de leur direction. Enfin, de nombreux salariés ne veulent plus travailler uniquement pour un salaire, mais aussi pour donner du sens à leur quotidien et avoir un impact concret sur le monde.

Dans la pratique, l’entreprise peut donc :

  • favoriser la montée en compétences avec des formations, la mobilité interne et le mentorat ;
  • impliquer les employés dans les décisions stratégiques pour qu’ils voient l’impact de leur travail ;
  • clarifier les fiches de poste pour éviter les ambiguïtés et les frustrations ;
  • laisser davantage de place au dialogue social pour chercher le consensus entre salariés et direction ;
  • repenser le modèle : co-gestion, autogestion, réduction des niveaux hiérarchiques, droits des salariés ;
  • étudier les écarts salariaux abusifs et tous les autres points qui cristallisent les rancœurs.

Dans l’idéal, l’entreprise devrait même mener une introspection sur ses valeurs, non pas pour en inventer de toute pièce et se donner bonne conscience comme c’est souvent le cas (greenwashing, etc.), mais en allant chercher du côté de sa raison d’exister, du pourquoi elle a été créée, ce qui aide à redonner un cap et une vision cohérente. Une fois ces valeurs déterminées, il est souhaitable d’y appliquer une logique de développement durable, ainsi qu’une politique RSE et de bien-être des salariés.

3. Améliorer la qualité de vie au travail (QVT)

Inutile de préciser que l’amélioration de la qualité de vie au travail ne peut s’obtenir, ni être viable sur le long terme, en appliquant seulement des mesures pansements du type primes, recrutement d’un·e chief happiness officer, multiplication des teambuilding et autres supercheries visant à éviter tout changement profond de l’entreprise.

Il s’agit au contraire de mener un travail introspectif pour tenter d’éliminer ce qui cause les différents phénomènes tels que le « quiet quitting », le « bore-out » et le « burn-out ».

Soulignons aussi que cette amélioration doit être sincère et souhaitée par la direction / le management. Sans quoi, le désenchantement et le désengagement referont surface à un moment.

Parmi les actions à mettre en place, on peut imaginer :

Important à noter : Vous pourriez aussi envisager une stratégie progressiste : la semaine de 4 jours de travail. Les tests menées en Angleterre et en Allemagne ont montré de bons résultats du côté de la satisfaction et de la productivité.

4. Rompre avec la culture de la performance toxique du travail

Les Quitters sont le résultat d’un système où l’exigence de performance ne cesse d’augmenter, sans réelle logique autre que le retour sur investissement rapide pour des actionnaires. De nombreuses entreprises imposent des objectifs toujours plus hauts, parfois sans se soucier de l’impact sur la santé mentale des employés, mais aussi parfois sans vision sur le long terme. Combien de salariés voient leur emploi perdre leur sens lorsque l’entreprise est rachetée par un fonds d’investissement…

Et si les périodes de confinement ont largement contribué à la montée du désengagement, ce phénomène ne risque-t-il pas de s’amplifier dans un monde du travail où l’automatisation des processus et l’essor de l’intelligence artificielle sont perçus comme des leviers d’augmentation constante de la performance ?

Le culte de la performance, de la compétitivité et de l’hyperproductivité peut être comparé à une dérive sectaire, où la violence finit par l’emporter sur le collectif. Mais ce modèle de croissance permanente n’est plus adapté à l’instabilité actuelle, et sans aller vers la décroissance, il est possible de trouver des voies alternatives comme la coopération et la robustesse de l’entreprise.